MDR1 : Alerte Spiramycine
La spiramycine, molécule active du Spiraphar, est un substrat de la P-Gp.
La prise simultanée de spiramycine avec un inhibiteur de la P-Gp peut provoquer de graves effets secondaires chez l'être humain.
Le même risque existe chez les chiens concernés par la mutation MDR1 et ce, de manière permanente s'ils sont homozygotes pour la mutation. La prudence voudrait qu'il ne soit pas donné à des chiens homozygotes (-/-) pour la mutation MDR1 et que toutes les précautions soient prises quant à son utilisation chez des chiens hétérozygotes
(+/-) ou au profil MDR1 inconnu.
Suite à suspicion de graves effets neurologiques causés par ce médicament chez une chienne Colley, nous le classons dans la catégorie "A éviter" compte-tenu du risque potentiel qu'il engendre en relation avec la mutation MDR1.
Un avis qui pourra être modulé ultérieurement en fonction de nouvelles informations à ce sujet.
Médicaments à usage vétérinaire contenant de la spiramycine:
BUCCOVAL CHIEN (Spiramycine + Métronidazole)
HISTACETYL G.M. (Spiramycine + Dimétridazole)
STOMORGYL (Spiramycine + Métronidazole)
SPIRAPHAR CHIENS (Spiramycine + Dimétridazole)
Médicaments (médecine humaine), et génériques :
RODOGYL (Métronidazole + Spiramycine) et MISSILOR Générique du Rodogyl)
BIRODOGYL (Métronidazole + Spiramycine) et BI MISSILOR Générique du Birodogyl)
Synonymes :
Rovamycine (Spiramycine) ou Rovamycin (Gb), Foromacidin, Leucomycin, Provamycin, Sequamycin, Selectomycin, Rovomycin.
Résumé de l'alerte :
Nom : Spiraphar
Molécules actives : dimétridazole et spiramycine.
Médicament antibiotique utilisé dans le traitement des infections bucco-dentaires.
Particularités : La spiramycine est un substrat de la P-Gp.
Raisons de l'alerte : Graves effets neurotoxiques constatés chez une chienne Colley suite à prise de Spiraphar.
1- Accident survenu à une chienne Colley après prise orale de Spiraphar.
Le spiraphar, médicament antibiotique utilisé dans le traitement des infections bucco-dentaires, a été donné (septembre 2012) à 2 reprises (36 heures entre les 2 prises) à une chienne colley de 15 ans à raison de 1/2 comprimé dosé à 600mg. 1 comprimé de Rilexine (céfalexine) a également été
donné à chaque fois. Le traitement pour un problème dentaire causé par le tartre reposant sur ces 2 médicaments.
1 heure après la prise du médicament, des effets neurologiques très importants apparaissent : agitation, tremblement, perte d'équilibre, puis paralysie des membres postérieurs et vocalises importantes. Le même phénomène sera constaté le lendemain. A chaque fois, une consultation en urgence sera nécessaire. Si elle retrouvera
un état normal après la 1ère visite chez le vétérinaire, il n'en ira pas de même la seconde fois : La chienne décédera le surlendemain.
Ce médicament n'est peut-être pas la cause de la mort de la chienne, mais il lui a provoqué de très importants troubles neurologiques les 2 fois où il a été administré. Il y a une forte suspicion de neurotoxicité causée par la spiramycine en relation avec MDR1.
Une déclaration d'accident a été faite auprès du Centre de Pharmacovigilance Vétérinaire. Virbac, laboratoire produisant le Spiraphar, en a été averti.
2- Pourquoi ?
Le Spiraphar est une association de 2 molécules : Le dimétridazole et la spiramycine.
La spiramycine est un substrat de la P-Gp.
Très peu d'études existent sur le dimétridazole, nous pensons cependant qu'il est probablement un inhibiteur de la P-Gp.
La concentration plasmatique du dimétridazole atteint un maximum 1 heure après son absorption.
La céfalexine n'a pas de lien avec la P-Gp, ni d'interaction connue avec la spiramycine ou le dimétridazole. Ce qui semble exclure la Rilexine de la recherche des causes de cet accident.
L'âge joue un rôle dans l'expression de la P-Gp selon les tissus dans lesquels elle est présente. Globalement, l'absorption s'accroît avec l'âge alors que l'excrétion diminue. Ce qui modifie la pharmacocinétique des médicaments transportés par la P-Gp.
Dans le cas exposé ici, nous pensons que l'administration concomitante du dimétridazole, possible inhibiteur de la P-Gp, et de la spiramycine, substrat de la P-Gp, chez un chien hétérozygote (+/-) pour la mutation MDR1 va aboutir à une augmentation des concentrations sériques de spiramycine. L'inhibition de la P-Gp va permettre (environ 1 heure après
la prise du médicament correspondant au pic de concentration plasmatique du dimétridazole), aux molécules de spiramycine de pénétrer dans le SNC provoquant des effets neurotoxiques importants.
L'âge de la chienne, 15 ans, a probablement été un facteur d'aggravation des effets neurotoxiques.
3- Molécules étudiées :
Dimétridazole :
Molécule peu utilisée et peu étudiée, l'évaluation scientifique de cette substance ayant mis en évidence sa cancérogénicité potentielle chez l'homme.
Le dimétridazole appartient à la famille des nitro-imidazoles. Une famille connue par le Métronidazole (Flagyl), une molécule très proche du dimétridazole.
Une étude américaine de novembre 2011 montre la relation entre métronidazole et spiramycine (Simultaneous HPLC Determination of Metronidazole and Spiramycin in Plasma and Brain of Mouse) [5].
La spiramycine donnée seule ne passe pas dans le SNC, alors qu'elle va traverser la BHE et se retrouver dans le SNC si elle est donnée conjointement avec le métronidazole. La conclusion étant que le métronidazole inhibe la P-Gp et que la spiramycine est un substrat de la P-Gp.
En outre, les nitro-imidazoles sont excrétés à raison de 50% dans les 24 heures, mais à raison de seulement 2 à 6% la journée suivante.(Wolf et al., 1984).
Le pic de concentration plasmatique des nitro-imidazoles est atteint en 1 heure. Par exemple, ci-dessous : le métronidazole (Pharmacokinetics of Metronidazole as Determined by Bioassay [4]).
L'élimination des molécules est réalisée à 90% dans les urines.
Le dimétridazole, s'il est un inhibiteur de la P-Gp, va modifier la pharmacocinétique d'un médicament si celui-ci contient des molécules qui sont un substrat de la P-Gp. La biodisponibilité du médicament va être augmentée. La distribution va être modifiée : La BHE, protectrice du SNC, n'est plus en mesure d'assurer son rôle
protecteur favorisant ainsi l'accumulation des xénobiotiques dans le Système Nerveux Central (SNC). Enfin, les capacités d'excrétion des substances xénobiotiques (foie, reins) vont être diminuées prolongeant ainsi de manière importante leur persistance dans l'organisme.
Spiramycine :
La spiramycine est un antibiotique qui appartient à la classe des médicaments appelés antibiotiques macrolides.
La spiramycine a une capacité tout à fait exceptionnelle de se concentrer dans les tissus. Chez l'être humain, la 1/2 vie du médicament est approximativement de 4.5 à 6.2 heures si la personne est jeune, mais de 9.8 à 13.5 heures si la personne est âgée [6].
Elle reste néanmoins détectable très longtemps :
30 heures chez des porcs dans cette étude américaine: Bioavailability of spiramycin and lincomycin after oral administration to fed and fasted pigs.[8], et jusqu'à 72 heures selon d'autres études.
La spiramycine est un substrat de la P-Gp qui en empêche l'entrée dans le SNC lorsqu'elle est fonctionnelle.
Selon cette étude de l'INCHEM [2], une dose importante de spiramycine provoque chez des souris et des chiens (homozygotes sains pour la mutation MDR1) des signes de toxicité tels que l'anorexie, des diarrhées, de la lassitude chez les rats et les chiens (Boyd, 1958). Ainsi que de l'agitation, incoordination, convulsions, une ataxie et des vocalises.
Chez l'être humain, les risques causés par la spiramycine sur l'organisme sont connus [7]:
- Spiramycine (Rovamycine)
"Jus de pamplemousse : le jus de pamplemousse peut interagir avec la spiramycine quand il est consommé par une personne qui suit un traitement par la spiramycine, et il pourrait entraîner de graves effets secondaires. Évitez de consommer du jus de pamplemousse pendant que vous utilisez la spiramycine.
D'autres agents peuvent-ils interagir avec ce médicament ?: Le métronidazole."
Certaines personnes du corps médical souhaiteraient que mention soit faite sur les briques et bouteilles de jus de pamplemousse des dangers potentiels dinteraction médicamenteuses.
Le jus de pamplemousse est un inhibiteur de la P-Gp, tout comme le métronidazole ou la mutation MDR1 qui inhibe la P-Gp de manière permanente.
Le risque d'interaction avec la spiramycine est réel chez l'être humain, et les conséquences pourraient être très graves.
La revue médicale Prescrire vient de publier, le 1er septembre 2012, une mise en garde contre la consommation de jus de fruits, notamment le jus de pamplemousse, et les effets indésirables dont ils peuvent être la cause. Des dizaines de médicaments sont concernés. [9] [10] [11]
Le même risque existe chez les chiens concernés par la mutation MDR1 et ce, de manière permanente chez les chiens homozygotes pour la mutation. Ce risque existe dès lors qu'une association avec un inhibiteur est réalisée. Nous estimons que la spiramycine ne doit pas être administrée à des chiens MDR1 (-/-) et que la plus grande
prudence devrait être observée avec les chiens hétérozygotes (+/-) pour la mutation. Enfin, les risques d'interaction doivent être considérés en cas d'administration simultanée d'un inhibiteur de la P-Gp et de la spiramycine.
A ce jour, alors que les risques liés à la spiramycine sont connus, aucune information n'en fait état sur la notice du Spiraphar.
4- Des effets neurologiques accentués par l'âge.
Les études sur la souris knock-out MDR1 (P-Gp non fonctionnelle) et divers essais sous talinolol ou digoxine effectués sur des sujets animaux sains ou sur lhomme ont montré que linhibition ou labsence de P-Gp augmentait les concentrations plasmatiques des médicaments dun facteur approximativement égal à 2.
La concentration tissulaire de ces médicaments peut cependant augmenter bien plus fortement, par exemple dans le SNC (pour livermectine, elle est denviron 70 fois).
L'allongement des processus pharmacocinétiques (absorption augmentée, distribution étendue au SNC, excrétion réduite ou modifiée) causé par l'inhibition de la P-Gp a conduit à une persistance dans l'organisme beaucoup plus longue de la 1ère dose du médicament.
L'âge de la chienne, 15 ans, a probablement été un facteur d'aggravation des effets neurotoxiques. En effet, l'expression de la P-Gp est modulée avec l'âge selon les tissus dans lesquels elle est présente. Les études sur l'être humain montrent que la 1/2 vie de la spiramycine passe de 8 heures chez de jeunes individus à 13 heures chez
les personnes âgées [3].
L'expression de la P-Gp selon l'âge a été évaluée sur des rats en laboratoire.
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Une étude américaine (The Effect of Age on P-Glycoprotein Expression and Function in the Fischer-344 Rat) [1] réalisée à l'Université de médecine de Boston (USA) montre que l'expression de la P-Gp varie en fonction de l'âge avec des différences marquées selon les tissus examinés : Reins, foie, intestin, système
lymphatique et cellules endothéliales de la barrière Hémato-encéphalique (BHE).
Une augmentation de l'expression de la P-gp en relation avec l'âge est mise en évidence dans le foie et les lymphocytes, alors qu'une diminution notable a été observée dans le rein.
L'âge ne semble pas apporter de modification de cette expression de la P-Gp dans les 2 derniers tissus étudiés : les cellules endothéliales de la BHE et l'intestin.
La modulation de l'expression de la P-Gp avec l'âge doit être prise en compte pour évaluer le dosage d'un médicament avant de le donner à un chien âgé en relation avec son profil MDR1.
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La mutation MDR1 réduit la capacité d'action des organes de désintoxication de l'organisme. Ce qui augmente le risque de toxicité d'un médicament chez les sujets hétérozygotes et, bien sûr, homozygotes, pour la mutation. L'âge semble encore augmenter ce risque en modifiant l'expression de la P-Gp dans ces organes : foie et reins en
particulier.
Lorsque la fréquence d'administration d'un médicament est suffisante ou que sa demi-vie est suffisamment longue, il persiste une concentration résiduelle du médicament lors de son administration ultérieure conduisant à une augmentation progressive de sa concentration.
La somme de ces différents facteurs d'aggravation (âge et hétérozygote pour la mutation MDR1) est peut-être la cause des signes neurotoxiques aussi violents constatés lors de l'accident survenu à cette chienne Colley.
L'administration concomitante du dimétridazole, possible inhibiteur de la P-Gp, et de la spiramycine va aboutir à une augmentation des concentrations sériques de spiramycine chez cette chienne, par ailleurs hétérozygote (+/-) pour la mutation.
La pharmacocinétique du médicament est modifiée, ralentissant l'élimination des molécules de l'organisme et favorisant leur accumulation dans le Système Nerveux Central (SNC) entraînant des effets neurotoxiques.
La prudence conseille de diminuer certaines doses en les réduisant du tiers ou de la moitié. Avec l'âge, la précaution imposerait de diviser par 4 la dose d'un médicament dont les molécules sont identifiées pour interagir avec MDR1 afin d'en vérifier une éventuelle toxicité pour l'organisme du chien.
En conclusion :
1- |
Spiraphar : Un médicament à utiliser avec beaucoup de précautions chez les races concernées par la mutation MDR1 suite à suspicion de graves effets neurologiques causés par ce médicament. La prudence voudrait qu'il ne soit pas donné à des chiens homozygotes (-/-) pour la mutation MDR1 et
que toutes les précautions soient prises quant à son utilisation chez des chiens hétérozygotes (+/-) ou au profil MDR1 inconnu.
La spiramycine (antibiotique de la famille des macrolides), substrat de la P-Gp est probablement responsable des effets neurologiques, dont la violence ne peut trouver explication que par la conjonction d'effets aggravants: âge et chienne hétérozygote pour la mutation MDR1.
Un avis qui pourra être modulé ultérieurement en fonction de nouvelles informations à ce sujet.
Médicaments à usage vétérinaire aux caractéristiques identiques :
Autres médicaments (médecine humaine), génériques ou synonymes :
- RODOGYL (Métronidazole + Spiramycine) et MISSILOR Générique du Rodogyl)
- BIRODOGYL (Métronidazole + Spiramycine) et BI MISSILOR Générique du Birodogyl)
- Synonymes : Rovamycine (Spiramycine) ou Rovamycin (Gb), Foromacidin, Leucomycin, Provamycin, Sequamycin, Selectomycin, Rovomycin.
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2- |
Compte-tenu de l'augmentation importante des molécules identifiées comme étant un substrat de la P-Gp (154 molécules listées dans le dossier MDR1):
Nous ne pouvons que recommander aux propriétaires de chiens des races concernées par MDR1 de faire tester leurs chiens. |
3- |
Nous recommandons dorénavant aux vétérinaires de demander aux propriétaires de chiens de ces races de connaitre le profil MDR1 de leur chien afin de minimiser, ou éviter, tout risque lié à la modification de la pharmacocinétique des médicaments pouvant être donnés à l'animal.
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4- |
Enfin, l'âge de l'animal doit être pris en compte dans l'évaluation d'un risque médicamenteux lié à la mutation MDR1. |
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Références :
- [1] The Effect of Age on P-Glycoprotein Expression and Function in the Fischer-344 Rat (Jill S. Warrington, David J. Greenblatt, and Lisa L. von Moltke)
Department of Pharmacology and Experimental Therapeutics, Tufts University School of Medicine, Boston, Massachusetts.
Received October 8, 2003; accepted February 2, 2004 - cliquez ici
- [2] Chemical Safety Information from Intergovernmental Organizations - SPIRAMYCIN Dr. K.N. Woodward - 2.2 Toxicological studies - cliquez ici
- [3] Spiramycin - Half-life - cliquez ici
- [4] Pharmacokinetics of Metronidazole as Determined by Bioassay. Department of Medicine, University of Washington School of Medicine, Seattle, Washington 98195 - cliquez ici
- [5] Simultaneous HPLC Determination of Metronidazole and Spiramycin in Plasma and Brain of Mouse - Kit, Chew W.; Segarra, Ignacio - cliquez ici
- [6] Spiramycin (Systemic) - cliquez ici
- [7] Rovamycine Nom générique: spiramycine - précautions d'emploi ou mises en garde ? - cliquez ici
- [8] Bioavailability of spiramycin and lincomycin after oral administration to fed and fasted pigs. - cliquez ici
- [9] Jus de pamplemousse et médicaments : un cocktail à éviter - cliquez ici
- [10] Médicaments et aliments : lire la notice pour éviter les interactions (ANSM, Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) - cliquez ici
- [11] Mise au point sur linteraction médicaments et jus de pamplemousse (13/10/2008) (pdf) - cliquez ici
Collie-online 20/10/2012
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